Du fun factor, du gore factor, du gun factor, du bimbo factor le tout avec une touche expérimentale plus productive que dans le Tarentino et un humour What The Fuck? fort appréciable. On s'ennuie quand même par moments et le programme est en définitive moins séduisant (dans tous les senses du terme) que la tarentinade. J'enlève également une étoile pour les photos d'archives de blessés qui sont véritablement hors de propos et de très mauvais goût (un euphémisme pour immoral). |
Oui, Lolo, il s'agit bien de Josh Brolin qui jouait dans Hollow Man, mais aussi le rôle de Michael dans The Goonies... |
Eblouissant retournement de forces. Autour du même projet, Tarantino s'enferre en effet dans de l'indie sans relief, aligne des références dignes d'un newbie cinéphile, peine à construire des dialogues rythmés et doit le salut de son film à une grande comédienne et à une forme (au sens de structure globale) suffisamment originale pour se révéler productive au plan analytique. Contrairement à Rodriguez, second couteau monté en grade depuis Sin City : lui respecte le projet initial du Grindhouse avec ce film cohérent au plan stylistique, rigoureusement écrit et structuré (symétries, reprises, échos: du Keaton cheap et bad taste), présentant un cast impressionnant de vitalité et d'expressivité - sans perdre pour certains de leur portée gag-réflexive, quelles belles trouvailles en effet que ces Fahey, Biehn, Savini et consorts! Il y a même le mec de Hollow Man, tu confirmes, Charles? L'émotion la plus intense, je l'avoue, a été maintes fois au rendez-vous, lorsque, loin des portes ouvertes seventies-disco-bagnoles-hip réitérées jusqu'à la nausée par QT, ce sont ici les eighties qui se voient convoquées avec talent pour pasticher Carpenter, Golan, Fulci, Yuzna, etc. Frederico avait parlé de machine à remonter dans le temps pour le dernier Stallone, il y a un peu de ça dans ce Planet Terror si habile à cerner les traits essentiels d'une cinématographie disparue… en nous rappelant, par les rayures et le dispositif Grindhouse, la perte irrémédiable et le caractère exclusivement nostalgique, voire artificiel de l'entreprise. Ce qui ajoute évidemment à la mélancolie terrible qui émane irrésistiblement de l'œuvre: j'ai repensé à toutes ces cassettes pan and scannées qui ont fini dans le dépottoir… merci d'avoir fait les poubelles, companero! Et, au-delà de l'action trépidante, à la fois millimétrée et jouissivement stupide (façon “Mad Movies”), se dégage en fin de compte, alors qu'on ne l'attendait pas du tout, une œuvre puissante aux plans psychologique et figuratif, capable de travailler sur la durée et de synthétiser en quelques moments forts de grands axes narratifs, thématiques et iconographiques du cinéma américain. Viennent ainsi à l'esprit, parmi d'autres : la transmission et la circulation patriarcale, ethnique et sociale des armes et du pouvoir; la dislocation-reconfiguration des corps ou encore l'émancipation de l'exploitation sexuelle via la remise en question des catégories et des comportements “genrés”, une trajectoire admirablement portée par les deux personnages de l'épouse et de la stripteaseuse - au passage, clamons que le magnifique lap dance du générique, véritablement matriciel pour tout le film, est un tel affront pour la misérable séquence équivalente du Tarantino, juxtaposition de prises de vue sans enjeux esthétiques et formels, juste bêtement feune… D'ailleurs, c'est moins le rape'n revenge basique du maso QT que la quête d'une nouvelle identité complexe qui est finalement prônée, d'un point de vue tex macho chez Rodriguez. Plus honnête quoi… Enfin, je n'ai pas besoin de comparer l'utilisation de la musique dans les deux films: la différence saute aux oreilles: un système grimaçant épuisé jusqu'à la corde vs un joli dynamisme electro-bluegrass du meilleur impact émotionnel! Certes, aucune séquence de ce film mi-potache, mi-conceptuel (en fait la distance burlesque fait se rejoindre les deux dimensions) n'arrive à la hauteur des 2, voire 3 plans aboutis du Tarantino, signalant chez Rodriguez un talent somme toute limité à un cadre assez conventionnel, un tâcheron dirait avec raison Jean-Luc, - il faut bien l'admettre en dépit d'un timing généralement bien maîtrisé, ménageant quelques jolis effets de surprise. Mais la capacité à conserver une telle pulsation homogène sur tout un film est devenue si rare dans le cinéma US contemporain (voir la mollesse et la pauvreté des 90% du métrage tarantinien ou d'un énième Transformers) qu'elle doit être défendue, aimée, exaltée avec force! Comme on dit aux élèves qui ont fait un effort, ont compris la leçon pour finalement nous ouvrir de nouvelles voies, celles qu'on a envie de retrouver vite et plus souvent : «Bravo, continuez!» |
Assez débile, mais j'ai presque envie de mettre une étoile supplémentaire pour Rose que je trouve très bien Le film poursuit aussi la thématique "Girl Power!" de Deathproof ce qui n'est pas pour me déplaire. |
Je surnote... mais c'est vrai qu'il y a un côté joussif dans ce joyeux bordel coloré. En même temps, c'est un bordel tout court, et par moments, on s'y ennuie sec, parce qu'on ne voit pas où ça va. Tout est là-dedans: le film est génial ET chiant pour les mêmes raisons. J'apprécie les vides de la narration: enfin un film qui ne pose pas ou très peu les motifs psychologiques des personnages (d'ailleurs, ont-ils vraiment des motifs?), les liens qu'ils ont entre eux, on découvre tout par à-coups, par la bande... énormément d'informations suggérées, laissées hors scène – et de ce point de vue, le coup de la bobine manquante est le geste métanarratif suprême pour désigner cette manière de raconter. C'est peut-être cela le point fort du film: tout ce qui n'est pas spectacle (couleurs, tripaille, corps triturés, déformés, peinturlurés ou sensualisés à l'extrême) est proprement exclu, rejeté du film. Toutefois (Aristote, reviens par ici), ce sont ces éléments non spectaculaires qui, lorsqu'ils sont bien dosés, créent cette "identification" minimale dont le spectateur lambda a besoin. C'est pourquoi "From dusk till dawn" (auquel "Planet Terror" fait beaucoup penser) est un cran au-dessus, par son mélange réussi entre ligne narrative minime (et notamment cohérence des caractères, cf. Aristote again) et pyrotechnie latexo-prothésique aboutie. |