Film: The Grand Budapest Hotel

Vincent () a dit:
Le sujet permet à Anderson de donner encore plus libre cours à son souci maniaque du détail dans le décor, dans l'effet "maison de poupées" de la plupart de ses films (avec ici un format d'image presque carré, m'a-t-il semblé). Toute une série de plans font mouche par leur agencement spatial et chromatique.

A cause de l'époque choisie – les années 1930 – et du cadre – un hôtel –, on pense énormément aux BD belges de la grande époque, c'est-à-dire Tintin (Le Sceptre d'Ottokar) et Spirou. Pas seulement en raison du décor et des costumes, mais également pour la façon de traiter la narration, dans une sorte de mouvement compulsif vers l'avant, une narration parfois hors d'haleine, multipliant événements, rebondissements, trajets, lieux insolites, mimiques, gags, etc. (On peut aussi penser par moments aux adaptations podalydésiennes des romans de Leroux.)

Il manque toutefois à l'ensemble une certaine émotion. Elle perce par endroits, notamment vers la conclusion, autour de l'idée de la fin de la civilisation marquée par la Seconde Guerre, ainsi qu'à travers le personnage principal joué par Ralph Fiennes, plus ambivalent qu'on peut le penser au premier abord. Mais, dans les précédents films, il y avait – pour moi tout du moins – toujours une part dans la quête des personnages ou dans leur caractère qui parvenait à me toucher, à me faire épouser leur point de vue, leur ressenti. Là, ce n'est pas vraiment le cas.


Frederico () a dit:
Une fantasie d'une incomparable meastria. On retrouve la grammaire cinématographique minimaliste et donc extrêmement stylisée d'Anderson dans une version encore plus extrême et aboutie que dans Moonrise Kingdom. La maîtrise du rythme et de ses changements m'a particulièrement frappé. Vitesse des dialogues, des gestes, des déplacements, hachés par des silences, des immobilisations, le tout renforcé par le montage pour des effets comiques efficaces et pratiquement constant.

C'est peut-être le mieux réalisé et le plus drôle des films d'Anderson, mais c'est vrai que c'est peut-être aussi le moins émouvant. La faute au rythme? La faute à Ralph Fiennes qui n'a pas l'aura de clown triste que peuvent avoir Bill Murray et Owen Wilson? Mais à la fois son personnage ne s'y prête pas vraiment.

Ça mérite sans doute 4 étoiles dans le contexte des films sorti en 2014, mais dans le context des films de Wes Anderson, j'en reste à trois.


PS: Je discutais l'autre jour avec un ami de ma séance d'Ida, film encensé par la critique, mais vu dans une salle bien remplie dont la moyenne d'âge flirtait avec les 60 ans, ce qui m'avait un peu inquiété sur la relève cinéphilique. Pour ce Grand Budapest Hotel, un mardi soir à 21h15, le Georges V était plein à craquer avec une moyenne qui devait être vers les 30 ans. On peut donc compter sur les bobos hipsters!


Jean-Luc () a dit:
C'est marrant, j'ai trouvé que c'était de loin le plus mauvais film d'Anderson, qui confirme le sentiment que j'ai depuis deux ou trois films qu'il n'a plus rien à raconter ni à montrer que ses petits gadgets puérils. L'aspect bd et pieds nickelés m'a paru très pénible. Le contexte Mitteleuropa, que j'adore, est très sous-exploité je trouve. J'ai pouffé de rire au générique de fin quand il est dit que c'est inspiré des écrits de Stefan Zweig! A la décharge du film, j'étais de nouveau très fatigué, je me suis d'ailleurs endormi au sens propre!


Robert () a dit:
Certaines parties assez géniales (la poursuite en montagne notamment) mais d'autres choses moins réussies comme l’enchâssement des récits ou ce casting de plus en plus pléthorique et pas très productif.

La mention de Zweig semble en effet un peu déplacée tant Anderson ne fait en définitive, film après film, que mettre en scène son petit monde dans des lieux et époques différentes.

Pour reprendre la comparaison de Vincent je dirais que ce film est un Anderson moyen comparé aux deux précédents, tout comme le Sceptre d'Ottokar est un Tintin moyen en comparaison d'autres chefs d’œuvres qui l'ont précédés (Lotus Bleu) ou suivis (Licorne-Rakham, Affaire Tournesol,...). Espérons donc que les meilleurs film d'Anderson sont encore à venir.