Cette farce politique délirante, réalisée avec peu de moyens (des effets spéciaux ouvertement poético-cheap…), nous vient du Portugal. Un footballeur star (explicitement calqué sur Cristiano Ronaldo, mais dont la vie chez lui s'apparente graduellement à celle d'un Michael Jackson) est en fait un demeuré léger qui est dominé par ses sœurs, qui abusent de sa célébrité et de son crétinisme aggravé. On partage ses visions délirantes lorsqu'il évolue sur le terrain (pour lui, les matches sont traversés de chiots roses géants tombant du ciel et prenant place sur un espace de jeu désormais recouvert de brume). La vision de migrants africains le fait basculer dans une mauvaise passe (plutôt un penalty raté, en l'occurrence) et le convainc de faire quelque chose de sa vie en adoptant un enfant migrant (qui est en réalité une espionne du fisc, Noire et lesbienne, mais déguisée en jeune garçon… vous suivez?) Voilà le point de départ. A l'intersection entre comédie loufoque, feuilleton mélodramatique et espionnage tech aux accents sérial et vintage, le film séduit par moments, mais son absence de discours cohérent finit par épuiser et neutraliser l'éventuelle charge critique (si tant est que ça soit l'objectif au-delà de rigoler branché). Ainsi, on ne sait que faire devant l'idée que le monde entier est intégralement gouverné par les femmes (les sœurs + l'héroïne + la copine/collègue de celle-ci, déguisée en bonne sœur + leur cheffe + une ministre véreuse en chaise roulante aux allures de méchant de James Bond + une savante folle) Critique du féminisme? Et que comprendre de l'attitude des élites campées en villains, qui conspirent pour opérer le clonage du footballeur benêt au grand cœur – il s'agit non seulement de faire gagner le Portugal à la prochaine Coupe du Monde, mais aussi d'utiliser le champion comme une vitrine de propagande pour un programme gouvernemental de sortie de l'UE. Etrange inversion de ce qui se passe dans la plupart des Etats européens ou qui généralise le cas italien ou hongrois au reste du continent. Les deux réalisateurs n'ont visiblement pas la conscience politique très assurée, et tiennent, là, au fond, un discours très mainstream – tout comme sur les migrants, d'ailleurs. Mais peut-être veulent-ils mettre en évidence le statut spectaculaire de tous ces motifs contemporains, rien de plus? La pantalonnade n'étant jamais vraiment hilarante ni osée, on finit par ne plus trop vouloir se soucier de tirer quelque chose de ce film. Idem pour la question de la plasticité des genres qui traverse le film (le héros mute et des seins lui poussent… SPOILER SI VOUS AVEZ ENCORE ENVIE DE TENTER L'AVENTURE il finit dès lors par séduire la lesbienne déguisée en garçon dont il est le père adoptif) Dernière chose à noter : deux longues occurrences de Wagner : - L'Or du Rhin pour une parodie évidente du Nouveau Monde de Malick (assez drôle: l'amour naissant d'un couple batifolant de manière niaise au bord de la mer et dans des jardins). - Parsifal pour toute la conclusion de l'action, entre tragique et lyrisme de la rédemption. Bref, un gros bordel dont je ne sais franchement pas trop quoi penser. |
Ça sort là en décembre en France, mais c'était passé au NIFFF cet été (où je l'ai vu) et il me semble que c'est passé dans une des petites salles lausannoises il y a quelques mois. Effectivement un OFNI loufoque, mais quand même un poil fatiguant et qui dérape sur le Z avec ses histoires de savants fous et son final d'action cheapos. Il y a aussi un truc assez étonnant sur le langage avec le phrasé et la prononciation très étranges du personnage titre. Je ne sais pas trop si ça renvoie à Ronaldo, qui a peut-être du mal à s'exprimer ou qui a un fort accent (si tant est que les gens de Madère ait un accent particulier), mais c'est une performance. |
https://www.youtube.com/watch?v=yIPdiZPUaKQ Il a l'air de parler à un débit normal – l'accent je ne peux évidemment pas me prononcer. Je dois dire que depuis cette saison, ce joueur – que j'ai toujours plutôt apprécié, d'ailleurs, contrairement à Messi (éternel débat entre le "travailleur" et le "génie") – illumine tous mes weekends, donc… je ne peux plus être objectif! Sur le film, je n'arrive pas vraiment à le relier à la belle et marquante tendance du cinéma portugais arty contemporain – jusqu'ici impeccable dans sa manière de focaliser sur les "vraies gens" (qui est une construction, mais ils font un effort en allant chercher ouvriers, paysans, vieillards, etc. récemment encore, cf. A fabrica de nada, et même les derniers Rodrigez, Gomez, Costa…), ce qui leur donne une vraie crédibilité et singularité sur le plan politique. Ce Diamantino n'est pas sans lien évidemment (le rapport à la pop sucrée, par exemple), mais nous ramène à une esthétique "branchée" – hommage au cinéma d'exploitation des sixties-seventies, culte du nanar, etc. – qui me semble bien dépassée et, surtout, sans intérêt pour les enjeux d'aujourd'hui (un terrain que le film prétend malgré tout investir, assez explicitement). |