Film: Destroyer

Laurent () a dit:
Pendant un moment on suit non sans déplaisir ce polar banal mais porté par la composition de Kidman (en gros, une flic-déchet crado clodo alcoolo – stéréotype récemment pris en charge par Cassel dans « Fleuve Noir » – portant donc son trauma sur sa gueule défaite et cernée et traînant péniblement sa longue carcasse voûtée, veste en cuir cheap et jeans larges et mal ajustés : vous avez dit « too much »?). Le film est vendu sur le courage supposé de cette "performance » de l'actrice, mais si la fourbe a accepté de s’enlaidir, d’un côté, c’est bien parce que, de l’autre, pour le besoin des nombreux flashes back, la désormais quinquagénaire incarne le même personnage 16 ans auparavant, cette fois toute jolie et juvénile, évidemment!).
Bref, au début ça marche pas trop mal et puis on se lasse inexorablement, devant l’absence d’enjeu (quand le twist arrive, on en a plus rien à faire, c’est quand même un problème). Surtout, Karyn Kusama (oui, ce truc est signé!), croyant visiblement à l’intensité et au potentiel émotionnel de ces grimaces, nous inflige en effet de longues prises avec zique lyrique. Et c’est proprement insoutenable.


Charles-Antoine () a dit:
Plutôt 3,5. Je comprends très bien ton commentaire Lolo, notamment le côté star véhicule, mais le film a complètement opéré sur moi; et ce, dès les premiers plans, j'étais vraiment pris. D'ailleurs, ce type de films pour stars se fait rare, c'est dommage. Seule réserve: le paradigme de la revenge mother, on pouvait s'en passer. Autrement, le film rejoint aisément Collateral, Inherent Vice, Swingers, Heat, Drive, Speed, Point Break, Chinatown et Training Day dans la liste des meilleurs films sur LA!


Vincent () a dit:
Le problème du film, c'est... Kidman. Son vieillissement/enlaidissement est proche du ridicule d'une part – on a le sentiment que les maquilleurs ont été débauchés d'un film de zombies –, et d'autre part Kidman n'a pas les capacités faciales requises pour son rôle – elle ne peut pas jouer la déchéance désespérée, et elle retrouve très vite/trop vite ses mimiques de "jolie fille" (elle a en revanche assez bien travaillé la démarche, la posture du corps). A cause de cela, le film perd totalement de la puissance dramatique à laquelle il prétend...

Néanmoins, le jeu de va-et-vient entre strates temporelles fonctionne assez bien, trouvé-je, les points de passage sont souvent bien choisis pour instiller des superpositions entre trames chronologiques. Il y a aussi des effets produits par certains raccords entre coupes, avec un élément du cadre tissant la continuité alors que le reste change (souvent dans les lumières ou les ambiances atmosphériques). Ça crée une sorte de flou dans la temporalité, ce qui à mon avis fait sens avec ce que vit l'héroïne. De même, le mélange entre passé et présent est également motivé par ce type de personnage qui ne parvient pas à se défaire de son passé.

Et SPOILER SPOILER de ce point de vue, le twist que tu décries, Laurent (et qui au premier abord m'a aussi agacé), ce moment où l'on comprend que le début du film n'est pas le démarrage de l'action mais sa conclusion (voire son épilogue), et qu'on a eu affaire à une immense remémoration de la part de cette femme flic, ce twist, donc, reçoit peut-être aussi une justification – autre que d'être une frivolité formelle faussement arty. On a affaire à un personnage qui n'évolue plus depuis seize ans – malgré la maternité –, qui porte toujours les mêmes vêtements – ce qui est une des composantes permettant le twist (comment identifier ce qui est passé et ce qui est présent si l'apparence vestimentaire ne bouge pas?) – et pour qui le temps n'est plus orienté entre un avant et un après. Dans ces conditions, la fin et le début, c'est la même chose en fin de compte. Et c'est certainement en creusant encore plus cette veine-là que le récit aurait gagné en ampleur.


Frederico () a dit:
Il y a un plaisir presque nostalgique à voir un film avec des séquences de filature en voiture, des attaques de banques, Los Angeles la nuit... ce capital sympathie est malheureusement pratiquement réduit à néant par l'outrance du grimage de Kidman. Au début on se dit qu'on va s'y faire, mais en tout cas moi je ne m'y suis pas fait. Ça distrait tellement que j'ai l'impression que le scénario fonctionnerait mieux sans cet énorme faux pas dans la direction artistique. Voir ça, ça met quand même en perspective le travail fait sur The Irishman.

SPOILER SPOILER On peut dire que le film a deux twists et une originalité. Il y a le twist du milieu, quand on comprend que l’héroïne est impliquée criminellement (on notera au passage que le film ne fait pas un bon job pour nous expliquer pourquoi elle décide de franchir la ligne rouge). Il y a le twist de la fin, que je ressens quand même comme une escroquerie gratuite, malgré les efforts alambiqués mais louables de Vincent pour sauver les scénaristes. Et il y a aussi une originalité de style un peu Deep Blue Sea : on attend tout le film le moment de la confrontation avec le charismatique et manipulateur antagoniste, mais elle tourne court. C'est plutôt rigolo, mais quand même frustrant.


Laurent () a dit:
"Voir ça, ça met quand même en perspective le travail fait sur The Irishman."

Sauf que le problème de maquillage est inverse, ici : Kidman n'arrive pas à se vieillir ou à s'enlaidir!!!! Elle joue par contre sans problème sa version "15 ans plus jeune"…




Laurent () a dit:
Par ailleurs il faudra reparler du point suivant :
"d'autre part Kidman n'a pas les capacités faciales requises pour son rôle – elle ne peut pas jouer la déchéance désespérée"

Je ne peux laisser passer ça! Ici le maquillage est nul, sa performance franchement pas terrible, son incapacité à insuffler de la vie à ce personnage en soi inintéressant, oui, mais elle possède a priori – malgré le botox, etc. – les dites "capacités faciales"! Cf. Rabbit Hole ou, plus récemment, Sacred Deer (la scène dans la cuisine, où tout se joue sur le soudain frémissement d'une ride sur le front. Extraordinaire!)