Film: Psycho-Pass : The Movie

Frederico () a dit:
Encore un rattrapage d'Anime fait en 2022.

En bon membre de la Génération X, quand je pense Production I.G. je pense Mamoru Oshii, Patlabor, Ghost in the Shell, Jin-Roh... chez Production I.G. en 2012 on pensait aussi à ces sombres films mêlant science-fiction et ruminations philosophiques qui ont fait les lettres de noblesse de la maison et du coup ils ont décidé de se relancer dans cette veine avec Psycho-Pass, une série inédite qui après deux saisons a débouché sur un long métrage d'animation qui fait l'objet de cette notule : Psycho-Pass : The Movie.

J'ai hésité a regarder la série avant de voir le film, mais finalement je me suis lancé directement dans le long métrage car, bien que reprenant les personnages et l'univers de la série, il forme une entité à part.

L'idée derrière Psycho-Pass est au croisement de Minority Report, de Blade Runner et du système de crédit social chinois (annoncé en 2011). Dans un futur lointain, il est possible de scanner l'état mental des gens et d'en inférer la propension à la criminalité. Une force de maintient de l'ordre a pour mission de neutraliser où d'éliminer les personnes au score trop élevé et qui refusent de se faire traiter. Score qui est généré par une intelligence artificielle qui contrôle également l'armement de la force de maintient de l'ordre (balles paralysantes ou balles létales, utilisateur agréé, cible valide, etc). Pour pimenter l'affaire, les enforcers qui ont la tâche d'appuyer sur la détente sont des citoyens de deuxième classe : leur score est plus haut que la moyenne.

Le twist qui fait le film, c'est que le Japon, archipelle de paix et de stabilité dans un monde en proie au chaos, vend ce système à une fédération d'Asie du Sud-Est ravagée par une guerre civile qui fait trembler le régime autocratique en place. Une attaque terroriste à Tokyo, un ancien agent impliqué dans la guérilla anti Junte et voilà que l'héroïne, membre de cette glaçante police du future, part en Asie du Sud-Est pour investiguer.

En terme de thématiques, on est quand même passablement au dessus du tout-venant, même si l'exploration de ces thèmes laisse un peu sur notre faim et que les scénaristes se la jouent avec un personnage de mercenaire qui lit et cite du Frantz Fanon (le bullshit-o-mètre explose, mais, là aussi, ce n'est pas tout les jours...).

Scénario alambiqué, séquences de combat urbain et de combat de jungle, alternances entre l'intime et le collectif, de nombreux passages de nuit où dans de sombres bâtiments, mecha design, design graphique des personnages qui sent bon la gouache (même si je doute que la moindre feuille de celluloïde ou le moindre pinceau aient été utilisés)... beaucoup de cases sont cochées ! Ça fait peut-être "à la manière de", mais c'est une belle manière qu'on avait plus vue ces dernières années, donc tant pis si on est en-dessous des modèles illustres.

Mes deux réserves principales sont sur la qualité de l'animation et sur le doublage. Il y a de nombreuses séquences de corps-à-corps avec des chorégraphies complexes, mais c'est visiblement un grand défi d'animer cela convenablement (les participants étant assistés par de la cybernétique je suspecte qu'on ne peut même pas toujours faire du rotoscoping). Parfois ça passe, mais souvent ça casse. Le problème du doublage c'est qu'un quart des dialogues sont en anglais. Que les personnages japonais ou indonésiens baragouinent un anglais difficilement compréhensible, pourquoi pas, mais quand le mercenaire africain parle anglais avec un accent japonais à trancher au couteau, ce n'est pas possible. C'est un produit à gros budget qui va être exporté et doublé en anglais donc on doit pouvoir faire l'effort d'engager des gens capables de dire les répliques... le Japon reste insulaire...



Frederico () a dit:
Petit addendum : Je suis en train de regarder la série (il y a 2 saisons qui débouchent sur une 3ème "saison" composée de 3 long métrages qui semblent eux être moins accessibles sans connaissance préalable) et en fait le coup du personnage qui lit ou cite des classiques est presque un running gag. Il y a des tartes à la crèmes (1984, la bible, Faust, Do Androids Dream of Electric Sheeps), des choses plus étonnantes pour un produit japonais (du Stendhal, du Proust, du Sade et aussi du Foucault, du Rousseau) et, de notre point vue occidental, des choses mystérieuses, comme le non traduit "Une révolution sabotée avant qu'elle ait commencé", essai sur l'histoire de la Russie moderne par un journaliste japonais !

Dans les recoins d'Internet où les fans de la série se rassemblent, il y a du coup des clubs de lectures qui ont été formés (je ne sais pas quel est leur succès, lire À la recherche du temps perdu car il est fugacement cité dans un film, je n'y crois pas trop !)